Sunday, July 6, 2008

Le bout du monde

Il faisait relativement beau cette fin de semaine et j'en ai eu asser des heures sup'. Alors j'ai décidé de faire mon sac et de partir à l'Aventure, avec un grand A, celle avec de vrais morceaux de Christopher McCandless dedans. Comme j'avais jamais quitté les environ de Narvik depuis que j'ai débarqué en Norvège il y a deux mois, j'ai décidé de commencer fort et de partir le plus loin possible ... le bout du monde ça paraissait être une bonne idée. "Le bout du monde", sympa comme concept, ca reste quand même pas mal abstrait. Sauf que le bout du monde existe vraiment, son nom tiens en une lettre : Å.

Å, qui se prononce en fait "o", est un tout petit village de pêcheurs norvégien. Comme tous les petits villages de pêcheur perdu il est entouré de son quota de fjords et de sommets perpétuellements enneigés qui plongent directement dans les eaux glacées. Mais Å est un lieu mythique car il représente la fin de l'unique route qui traverse les îles Lofotens, le paradis sur terre. Fin d'une route qui signifie qu'il est le lieu le plus à l'ouest de tout le contient eurasien au nord du cercle polaire.

Le trajet en bus au départ de Narvik, qui prend pas loin de 8 heures, emprunte une route qui serpente au pieds des montages et entre les îles, au niveau de l'océan. L'archipel des Lofotens compte un très grand nombre d'îles de toutes tailles, la plupart étant accessibles grâce à des ponts ou des traversiers. La route, elle, fait de son mieux pour être praticable en tout temps.


OMG, même les baleines ont su s'adapter à la civilisation. En voilà une déguisée en camping-car, cachée en embuscade sur le bord de la route. Bien essayé la baleine mais on t'a vu!

Le bus file donc sur la route. Sans s'arrêter. Sans ralentir. On se demande parfois si le chauffeur, après tant d'années de service, même lui, a reussi à se lasser du paysage au point de ne plus lever le pied toutes les 2 minutes pour s'extasier. Parfois c'est une cabane de pêcheur, rouge, dans un immense champ de fleurs, jaunes. D'autres c'est un simple traversier au milieu du fjord. Une succesion de moments. Un film qui dure 8h. Avec quand même une pause au milieu qui consiste en un simple changement de bus. Sur le peu de monde qui étaient autour de moi, tous avaient pris un livre sur leurs genoux avant le depart, aucun ne l'a ouvert.

Au bout de la route, Å. Simple village de pêcheurs. Identique à tous les autres. Son lot de cabanes en bois, ses séchoirs à poisson, son port. Le tour en est vite fait. Un peu commun le village du bout du monde. Et, malheureusement, c'est là le simple souvenir qu'en gardera le touriste qui débarquera au petit matin en camping-car. Ça et un lot de photos qui bientôt auront perdu tout intérêt. La richesse de Å n'est pas dans son petit musée, ni d'ailleurs dans la reconstitution historique du vrai rorbuer de l'oncle Sam, non, elle est dans ses habitants. Saisonniers qui débarquent chaque été des quatres coins du monde, toujours les mêmes, depuis la boulangère de stockholm à la serveuse de barcelone. Toujours les mêmes et tant d'histoires à raconter. C'est un peu la maison bleue accrochée à la colline de la chanson, la seule différence c'est qu'ici la maison, elle est rouge.

Et bha non, j'avais pas mentit, la ville du bout du monde s'appelle bien Å.

Vieux réservoir d'eau défiant le ciel et les éléments.

Illustration du concept des montagnes-îles qui "plongent" dans l'océan.

Petite crique pas bien loin du centre de Å.

Barques sur le lac du bout du monde, tout plein d'eau potable à portée de main. C'est ici que commence le début de mon périple vers les montagnes du bout du monde et la suite de mon récit.

Mais Å n'est, en fait, que le village sur le chemin qui mène au bout du monde, endroit hypothétique au-delà des montagnes. Juché entre la terre et le ciel. Surplombant l'océan. Endroit à la fois paisible et tourmenté. Comme dans toutes les bonne vieilles légendes, la quête du bout du monde est remplie de pièges qui décourageront les moins valeureux pour récompenser les plus motivés, ou les plus insouciants. La ballade commence donc sur les bords du lac d'Ågvatnet et longe les parrois rocheuses sur plusieurs kilomètres. L'air est frais et le soleil est encore au dessus de la crête des montagnes. Parfois le chemin s'arrête et cède la place à un mur presque lisse où la seule prise est une longue ligne faite de chaines épaisses. Rendu à cette étape, nombreux sont ceux qui ont déjà rennoncé. Mais le chemin continue à travers les hautes herbes et la mousse. Lentement, discrètement, il s'efface. Ne reste alors plus qu'une trace qu'il ne faut plus perdre des yeux.

Sur les bords du lac d'Ågvatnet.

Le chemin qui mène au bout du monde est long et difficilement praticable, sauf sur le début.

Le chemin, devenu une trace, fini fatalement par s'estomper. Et là, après être certain de ne plus avoir aucuns repères au sol, les yeux se lèvent et cherchent plus loin. Mais plus loin est vraiment très près lorsque les montagnes autour sont autant de falaises et de cols infranchissables. Les derniers courageux sont là, assis, les pieds dans l'eau, à l'extemité ouest du lac du bout du monde. Se demandant si, finalement, leur périple n'est pas arrivé à sa fin. Rassasiés de cette magnifique ballade. Certains prétendent qu'il y a encore un reste de chemin qui serpente vers les sommets, sans jamais y être vraiment allé pour confirmer. Vous montrant du doigt l'endroit qui aurait été jugé par beaucoup comme le plus infranchissable quelques instants plus tôt. Et le soleil commence déjà à disparaître, laissant se profiler une ombre immense sur les voyageurs fatigués.

Aucun d'entre eux n'est allé plus loin que la plage de sable fin ce jour là. Aucun d'entre eux ne sait ce qu'il a manqué.

La plage au bout du lac.

De toute façon, ce reste de chemin était la seule indication que j'avais. Pas de sac de couchage et 15 heures à attendre avant le seul bus du retour. J'étais condamné à finir mon petit tour du grand lac ou à tenter ma chance à travers les marécages. Dans le doute, toujours pendre la solution la plus risquée. C'est ainsi que j'ai commencé à traverser la zone humide et recouverte de mousses qui me séparait du flanc de la montagne. En ligne droite. Sans me douter que je mettais les pieds dans le territoire d'une meute d'animaux très protecteurs de leur progéniture : des mouettes. Il en est sortit plusieurs dizaines depuis les herbes touffues, à quelques pas de moi. Parfois mêmes presque sous mes pieds. Bien décidés à se défendre contre un envahiseur plutôt inoffensif. Tentant des attaques suicidaires à quelques centimètres à peine au dessus de mon crâne. Ce jour là j'ai découvert, dans l'urgence de la situation, qu'un trepied d'appareil photo rétractable avec l'option patins-pics faisait une arme plutôt bien taillée pour la chasse.

Je ne commenterais pas sur les évènements qui ont suivit. Je n'ai pas eu le temps de prendre de photos ni de vraiment m'attarder. Fort heureusement pour moi, les basses température et le vent ont fait que je portais une casquette surmonté d'un bonnet. Une bonne protection. Tout ce que je peux dire est que, sur le chemin du retour, j'ai eu moins de mal à les traverser ces marécages. Peut-être simplement parce que j'ai pas pris le même chemin.

Marécages sur le chemin du retour, paisible une fois qu'on sait où se trouve l'ennemi et comment l'éviter.

Encore les marécages. Une partie moins praticable.

C'est quand on arrive en bas du prétendu chemin, avec 500 mètres de dénivellés au dessus de la tête, qu'on se rend compte qu'on est pas encore arrivé.

Mais le gros du récit est déjà raconté. La suite se limite à une escalade, parfois périlleuse, entre les différents morceaux du chemin qui mène tout droit vers le sommet. Périple tout au long duquel vous espèrez que la vue vaudra le déplacement. Mais au final rien ne vous préparera à ce que vous alliez découvrir une fois en haut. À tout ceux/celles qui comptent un jour grimper les montagnes du bout du monde, un conseil, ne regardez pas les photos qui suivent. Ceci n'est ni une prétention quelconque d'avoir trouvé le paradis sur terre, ni pour dire que j'ai fait des photos du feu de dieu. Juste pour ne pas gacher votre première impression ... en tout cas, à moi, elle m'a botté les fesses cette première impression.

Hop, trop tard. Vous l'avez vu. Strokkvika. Le vrai lac du bout du monde. Au loin les nuages cachent l'horizon et le jeu d'ombres sur l'océan empêche d'établir toute séparation précise entre la mer et le ciel.

Toujours la même vue, plus tard dans la soirée. L'ombre progresse tranquillement à flanc montagne. Le soleil de minuit ira se cacher plus au nord. Derrière les montagnes.

Vue de l'autre bord de la crête sur le chemin parcouru.

À defaut de pouvoir voir le soleil de minuit j'ai continué mon chemin sur la crête. Jusqu'à trouver un tapis de mousse et de boutons d'or. Lieu de rencontre pour les petits papillons blanc. Et je me suis simplement allongé là, les bras en croix et le regard vers le ciel. À attendre de voir des étoiles qui finalement n'apparaiteront jamais. Le bout du monde est magnifique, mais parfois cruel.

Ombre de moi par moi. Jouant de l'hamonica par moment. Ici même pas la peine de souffler dedans, il suffit de le tendre à bout de bras et le vent fait le reste du travail. Sympa le vent quand même.

Et un mausolé lors de la descente.

Le chemin du retour s'est passé comme planifié : dodo durant tout le trajet. Un imprévu, dû au très mauvais système de gestion des horaires de bus par la compagnie du coin, m'a amené à rester stationné durant 3 heures dans la ville très touristique de Svolvaer. Inutile de dire que j'ai profité de l'occasion pour courrir les environs non-touristiques et (enfin) prendre un petit café sur une terrasse. Face à la mer.

Déjà rencontrée précédement, voici la version touristique et habitable des cabanes de pêcheur.

Chalutier sur le depart.

Si les baleines ont su s'adapter à la civilisation. La civilisation a su répondre. Monté en rack sur un pick-up, le harpon devient une arme redoutable pour les cétacés qui rodent maintenant sur les routes.

Die hard, you road-sneeking whale!